dimanche 15 mars 2009

Un peintre restitué dans sa filiation PETER GALASSI « Corot en Italie » Gallimard 258 pages


Un peintre restitué dans sa filiation

PETER GALASSI

« Corot en Italie »

Gallimard

258 pages, 250 francs


C’est la réédition d’un ouvrage important qui, publié en 1991, renouvela en profondeur la connaissance de Corot. Analysant la peinture de plein air par rapport à la tradition classique, Peter Galassi pense que celle-ci s’accomplit dans les paysages italiens de Corot. S’il prend à rebours l’opinion dominante de la critique de notre siècle, qui voit dans ce peintre un précurseur de l’impressionnisme, il remarque néanmoins que Corot, en privilégiant l’expérimental sur l’artifice, la « fidélité à la sensation visuelle » sur le détail topographique, « parvient intuitivement à la conception moderne du fait artistique ». Peter Galassi situe l’origine de cette « pratique empirique » dans la formation néoclassique de Corot, auprès de Michallon et de Bertin, deux disciples de Valenciennes dont l’exemple et les écrits lui permettront d’accéder à l’héritage classique de Poussin, Gaspard Dughet, Claude Lorrain, de même qu’à composer directement avec le motif. C’est pourquoi le voyage en Italie s’imposait au peintre dès le début de sa carrière - urgence qui le dispensait des aléas de la filière du concours au grand prix de Rome -, car il impliquait pour Corot une épreuve initiatique, sur le territoire réel de la peinture et des maîtres qu’il s’était choisis.

Il y aura trois voyages, mais tout se joua lors du premier, entre 1825 et 1828 - les deux autres, de quelques mois, ne changèrent rien à l’orientation déjà prise. Dans la plénitude de la lumière méditerranéenne, la libre expérience du motif, à différentes heures de la journée, entraîna sa transformation plastique, qui vise souvent à l’épure, à la clarté constructive de la forme autant que de la couleur. Cette discipline délibérée, que Corot maintiendra en marge de l’atelier et jusqu’en France, annonce Pissarro comme Cézanne, une nouvelle conception du paysage dans la peinture.

Restituant Corot dans sa filiation et remontant aux sources de l’étude d’après nature, qui évolue de l’exercice académique à la pleine autonomie picturale dès les années 1780 en Italie, Peter Galassi développe une réflexion fondamentale sur les recherches novatrices de Pierre-Henri de Valenciennes et de Thomas Jones, notamment dans les cadrages et l’ordre chromatique de leur composition. De même, l’auteur rappelle la plupart des artistes connus ou méconnus qui accompagnèrent Corot dans sa démarche italienne.

RAOUL-JEAN MOULIN

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